A mes amis africains !

, par Eduardo Olivares Palma

J’ai publié pour la première fois ce texte en mai 2016. Si je devais ajouter quelque chose ce serait juste dire que tout ce qui est arrivé les années suivantes, n’a fait que confirmer les impressions et les émotions qui m’accompagnent depuis ce jour de mai 2011 où j’ai foulé pour la première fois le sol africain.


Voici onze ans à Douala, au Cameroun, je mettais donc pour la première fois le pied sur un continent que jusque-là je ne connaissais que de loin. Un peu par des lectures de toute sorte, parfois par des rencontres, souvent par la musique. De petites fenêtres riches et parlantes mais insuffisantes pour me permettre de dire que je connaissais l’Afrique.

D’ailleurs, je sens que presque 30 séjours plus tard, je ne peux toujours pas le dire. Je peux par contre affirmer sans hésitation qu’elle mérite non seulement d’être mieux connue mais surtout plus respectée, voire admirée. Surtout par nous autres, citoyens d’un occident blanc qui semble plus que jamais craintif, dépressif et replié sur lui même.

Car malgré ses manques et peut-être même à cause d’eux, l’Afrique que j’ai connue déborde de vitalité, d’imagination et de cette intelligence pratique qui permet aux plus démunis de pallier aux effets des inégalités, de la corruption, de la malnutrition et des séquelles d’une colonisation dont bien de traces sont encore visibles.

Pendant ces cinq ans, j’ai eu la chance de faire connaissance, de former et de créer des liens notamment avec ceux qui cherchent à faire des radios communautaires et de la société civile un pilier essentiel de l’Afrique de demain. J’ai pu ainsi entrevoir aussi bien leurs aspirations communes que la riche diversité incarnée par ces femmes et ces hommes rencontrés à Douala, Yaoundé, Conakry, Bouaké, Bayanga, Kinshasa, Kisangani, Mbuji Mayi, Butembo et ailleurs.

Mais au delà des amis et collègues avec qui j’ai pu collaborer dans le cadre de mon travail avec RFI Planète Radio et CFI, il y a toutes ces personnes, souvent restées anonymes, rencontrées au hasard des séjours dans les hôtels, des repas dans les cantines ou…des contrôles dans les aéroports.

C’est qui le Chilien ?

Au risque d’en étonner plus d’un, l’une des rencontres la plus singulière ce fut celle avec un…policier.

Lors de mon premier voyage, dimanche 22 mai 2011, avec Pierre-Yves Schneider – grand journaliste et formateur malheureusement décédé depuis - nous venions d’atterrir à Douala où nous attendaient des confrères camerounais. Après un accueil fort sympathique et chaleureux, ils sont partis avec nos passeports pour accélérer les démarches d’immigration.

Au bout de quelques minutes, les voilà qu’ils reviennent accompagnés de 4 policiers dont l’un, un gars énorme et bien baraqué, tenait nos passeports à la main.

  C’est qui le Chilien ? a-t-il demandé d’une voix de stentor.
  C’est…moi, répondis-je sur un ton…hésitant.

S’ensuivit un silence de ceux qui, sur le coup, semblent durer des heures. Tout en me regardant d’un air on ne peut plus sérieux, il m’a interpellé tout en agitant l’index de sa main droite :

  Il ne fallait pas nous voler la victoire !

Interloqué, j’ai quand même réussi à déceler une lueur de malice dans ses yeux tandis que mon cerveau fatigué balayait son disque dur jusqu’à tomber sur le match entre le Chili et le Cameroun lors de la Coupe du Monde de 1998. Ce jour-là, à Nantes, l’arbitre hongrois avait refusé aux Lions indomptables deux buts légitimes. Du coup, il les avait privés de passer au tour suivant. Les Camerounais avaient vécu cela comme un affront et le ministre de la jeunesse et des sports de l’époque avait dénoncé un « complot  » contre le son pays et évoqué même « un problème de dignité humaine, de lutte contre le racisme. »

Nouveau silence gêné jusqu’à ce que que, dans un éclat de rire, il me tende mon passeport, me donne la bienvenue et ajoute, malicieux : n’oubliez surtout pas, le Cameroun a bien battu le Chili !

Avec les enfants de Bayanga (République Centrafricaine)
Avec les enfants de Bayanga (République Centrafricaine)

Botondi, Asante Sana, Singuila minghi !

Onze ans après cette très « sportive » entrée sur la scène africaine, les rencontres se comptent par centaines. Toujours enrichissantes, même si elles ne se sont pas toujours terminées par un éclat de rire. Car même si la bonne humeur est souvent de la partie, il est des réalités qui ne se prêtent pas toujours à la rigolade

Pour le Chilien que je suis, cette rencontre avec l ‘Afrique a été une chance dont je remercie ceux qui l’ont rendu possible. À commencer par mes amis de RFI avec qui, depuis 1982 et comme dans le tourbillon de la vie, on n’en finit pas de se perdre de vue et de se retrouver.

Mais je remercie surtout mes amis africains.

Les Samuel, Berthe, Bob, Rachel, Didier, Jean, Sidiki, Tata, Hadiatou, et toutes celles et ceux qui, par leur accueil, leur intérêt et leur amitié, on fait de ces sept années africaines l’une des expériences les plus enrichissantes et les plus exaltantes de ma vie de journaliste, de passeur et de passant.

En attendant que la vie nous donne de nouvelles opportunités de nous retrouver, d’échanger et de partager autour d’une Primus, d’une Castel ou d’un « sucré » et de faire avancer ensemble nos rêves d’un monde plus juste et d’une vie meilleure, recevez ce témoignage d’amitié et de fraternité.

Comme on dit chez nos amis guinéens : Wontanara ! On est ensemble !

Eduardo
dit « Ya Edo » (RDC) ou « Baba Mounjou » [1] (RCA).


Notes

[1"Papa blanc" en langue Sango, le petit nom que je préfère car il m’a été donné par les enfants de Bayanga.